Ou Don Juan chante Léo Ferré – De et par Dominique Branier
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Le journal Libération publiait récemment un article s’inquiétant de la disparition des auteurs de théâtre. Que l’on se rassure, les vrais auteurs sont bien vivants.
Dominique BRANIER en est un dont les textes, pointus, originaux, pleins de souffle, remplissent l’espace et la scène, enchantent l’oreille et inscrivent les personnages à jamais comme de nouveaux archétypes dans notre mémoire.
Marie Laure Susini, producteur exécutif
Après le succès de sa quatrième pièce, cet été, en Avignon, Dominique BRANIER s’installe à la COMEDIE SAINT-MICHEL à Paris pour une prolongation de son exercice passionnant : deux rôles, un seul comédien ! Cliquez ici
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Et pourquoi ne pas s’offrir le T-shirt de la pièce ? Édition limitée, le T-shirt existe en gris et en noir, pour femme et pour homme.
Un journaliste critique théâtral et un tueur professionnel ont rendez-vous dans un théâtre isolé.
Le premier veut recueillir les confessions du second.
Mais en vérité, chacun des deux hommes a quelque chose à demander à l’autre.
Et comme nous sommes au théâtre, rien ne se passera vraiment comme prévu.
Une rencontre en temps réel à la naissance de l’été.
Une plongée dans l’artifice théâtral mais aussi une réflexion sur l’essence du pouvoir.
La rencontre de deux mondes qui ne sont que les deux faces d’une même pièce.
Un tueur à la recherche de la cruauté du théâtre.
Un journaliste en quête de l’innocence du crime.
Rencontre surréaliste, authentique hommage à la scène et au jeu théâtral, cette pièce aux allures de polar, de comédie mais aussi de huis-clos psychologique représente un véritable défi pour le comédien qui joue les deux rôles. Le texte très écrit nous invite à une réflexion sur l’altérité mais aussi la relativité de la morale.
Le spectacle a été créé le mercredi 13 juin 2017 à Luxembourg dans le cadre du Monodrama Festival dirigé par Steve KARIER.
Le dossier pédagogique à destination des enseignants peut être téléchargé en cliquant ici.
Il apparait à l’arrière de la salle et harangue la scène.
Hé, ho, Monsieur Rocca. Vous savez que j’habite à moins de quatre cents mètres de ce foutu théâtre ? Hé, ho, Monsieur Rocca. Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin de m’offrir cette balade empoisonnée, bordel ? Hé, ho, Monsieur Rocca. Il s’agit d’un bizutage pervers ou d’une initiation sadique ? Hé, ho, Monsieur Rocca.
Peut-être n’était-ce qu’une bonne plaisanterie faite aux dépens d’une journaliste petit-bourgeois de merde ? Hé ho, Monsieur Rocca. Envoyez-moi à Mogadiscio, Téhéran ou Benghazi mais ne me demandez plus de passer cette merde de périphérique. (Il s’assoit sur les gradins, exténué). Oh, je suis désolé, j’ai craqué.
Cela fait deux heures que je marche.(Il regarde sa montre). Mais qu’est-ce que je dis ? Cela fait trois heures que je déambule. Trois heures. De quartiers qui craignent en quartiers franchement glauques. Et puis ce type qui tranquillement, sans se presser, s’est directement servi deux cents euros dans mon portefeuille.
Et avec le sourire. Et moi, complètement tétanisé, j’ai laissé faire. Parce qu’il savait qui j’étais. Il savait ce que je ne pouvais qu’être. Il avait vite deviné Celui qu’on vole, qu’on plume, qu’on dépouille. Que vouliez-vous prouver, Monsieur Rocca ? Que vouliez-vous me dire que je ne sache déjà ? Je ne comprends pas ce jeu, bordel.
Et je ne l’apprécie pas non plus.
Lors d’un premier rendez-vous, j’adore arriver en avance sur le territoire de celui que je m’apprête à rencontrer. Appréhender son environnement, ses espaces de vie. Après cela, il est plein de questions qui quittent notre esprit. Notre regard nous impose des évidences. Je vous ai fait visiter les quartiers de ma jeunesse. Je n’y ai pas longtemps vécu, je les ai quittés très tôt. Et pourtant on y trouve ce que je suis et peut-être aussi un peu de ce que je suis devenu. J’avais prévu l’itinérance, pas la figuration. Il est des mondes parallèles que nous n’avons pas besoin de côtoyer. Avant l’agression que vous avez décrite, vous avez certainement ressenti le besoin de vous encanailler, de prendre contact.
Ma proposition n’était pas assez claire. En aucun cas, je ne vous demandais de fréquenter des gens infréquentables. Plus que les gens, je voulais vous faire découvrir, redécouvrir des lieux. Vous avez longé le canal à un moment donné. Eh bien, ce lieu est important pour moi. Ce fut ma première rencontre avec la mort. Un de mes amis de l’époque s’y est noyé pour échapper à la réprimande de flics qui ce soir-là avaient besoin d’exercice et nous coursèrent au sortir d’un entrepôt dans lequel nous avions l’habitude de musarder. Je l’ai vu s’enfoncer dans l’eau, impuissant, incapable de lui porter secours tant la scène me paraissait irréelle. Je n’étais pas de la partie. Qu’un spectateur. Un flic plongea mais trop tard ; mon ami ne pouvait plus être secouru. Je ne voulais pas une épreuve, juste une présentation. Vous me voyez bien embêté. Ce n’était pas prévu ainsi.
(Un temps)
Nous avons le théâtre pour nous toute la soirée. C’est un beau lieu, n’est-ce pas ! Peut-on trouver lieu plus propice, plus adapté au dialogue ? Personne ne viendra nous déranger. Nous pourrons faire une pause. J’ai déjà commandé, nous serons livrés. Votre journal prend tout en charge. Apparemment, vous avez de l’importance aux yeux de votre chef de service. J’ai pu me renseigner sur vos goûts en matière de gastronomie. Je pense que ça vous plaira. Je vous promets.
(Un temps)
Je ne sais comment amener tout ceci mais après tout autant le faire simplement. Je vous propose un échange. Vous voulez avoir des informations sur le monde de ce que vous appelez le crime organisé, je vous en donnerai. Elles seront bien sûr parcellaires, rarement localisées, jamais vérifiables et en échange, je vous demanderai un service. J’écris un spectacle ou plutôt, je collecte des textes pour monter un spectacle. J’aimerais vous en jouer quelques extraits pour que vous puissiez donner votre avis d’expert sur l’avancement du projet. C’est bien modeste mais je puis vous faire cet aveu : j’adore le théâtre. Le lieu, le texte, le jeu, l’odeur du théâtre. Alors si vous voulez m’aider dans l’élaboration de ce qu’il serait prétentieux d’appeler un spectacle, je vous en serais reconnaissant.
Monsieur Rocca
C’est un peu comme le compagnonnage. Du moins ce que j’en connais. J’ai suivi un maître pendant deux ans pour aborder toutes les phases du processus : l’évaluation, le traitement, la liquidation. Une petite précision par rapport à ces termes pour qu’il n’y ait pas de malentendu. Le traitement c’est l’exécution du sujet. La liquidation, c’est faire disparaitre son corps. Souvent, les clients confondent. Ça donne lieu à des quiproquos : vous m’aviez dit mardi et maintenant vous me dites mercredi. Donc à chaque fois ou presque, il faut expliquer à nouveau. Traitement, liquidation. Deux ans pour comprendre que la solution la plus simple est toujours la meilleure. Quant au groupement d’intérêt, voyez-le comme un tribunal arbitral mettant en avant le bien commun. On n’exécute pas qui l’on veut, quand on veut. La mise en place de ce conseil a mis fin à de fréquents règlements de comptes aussi dévastateurs qu’inutiles. Et quand l’avis du conseil est positif, j’interviens. Ou plutôt nous intervenons. Je ne suis pas le seul régulateur.
Alex
Tout simplement. Ça pourrait donner le vertige, non. En tout cas, le profane que je suis est plus qu’impressionné. Je comprends un peu mieux votre besoin de théâtre. Ces vies par procuration doivent vous sembler paisibles, anecdotiques. D’autant qu’il doit être difficile d’avoir une vie sociale avec ce métier… Rencontrer quelqu’un par exemple. Le théâtre représente un excellent substitut en l‘occurrence.
Monsieur Rocca
Je ne suis pas ici pour parler de ma vie privée. N’essayez pas de mettre vos doigts dans ma tête ; vous risqueriez d’y perdre une main.
(Un temps)
Je n’ai aucune pudeur. L’amour est venu me visiter mais trop tard. Celle dont j’avais rêvé, celle qui ne pouvait exister autre part que dans l’espérance m’est apparue un jour. Mais c’était trop tard. J’avais déjà emprunté ce chemin le long duquel vous me rencontrez. J’y étais trop engagé. Et je devais le poursuivre seul. C’était la condition de départ; nul ne peut y déroger sans déclencher des drames. Ceux qui l’ont fait vous parleront de passions maudites mais en réalité, ce n’est que le fruit de leurs égoïsmes. Ils savent fort bien qu’on ne tue pas un tueur. On a trop besoin de lui… En revanche, sa femme, sa famille. Alors j’ai renoncé à cet amour… Mais avec la satisfaction, la certitude de l’avoir rencontré… Après tout, combien d’entre nous cherchent toute leur vie ce qu’ils ne trouveront jamais. J’ai eu cette chance, vécu ce luxe. Ainsi ces personnages parlent de moi mais je ne vis pas à travers eux. J’essaie d’y trouver nos points communs, nos points de rencontre.
Alex
Pour tout vous dire, je suis romancier au départ. J’ai écrit cinq romans qui n’ont jamais été publiés. J’écris mal, mes sujets sont sans intérêt, je produis des livres trop lisses. Et puis un éditeur m’a avoué que la qualité de mon écriture ne pouvait être mise en cause. Connaissez-vous Stanislas Mortier ? C’est mon père. Mon écrivain de père. Futur académicien, il n’arrive toujours pas à reconnaître le travail de son fils. Il ne voulait pas d’enfant, pas de descendance. Ma mère m’a imposé à lui. Il me considère comme le fruit d’une traîtrise, une imposture. Lui vivant, je ne serai jamais publié. Et croyez-moi, c’est un homme qui sait faire usage de son réseau. C’est le théâtre qui m’a sauvé. On y entre comme dans un moulin et ce moulin m’adopta. Je déconseille à quiconque de fréquenter des comédiens en dehors des plateaux mais sur scène … Même le plus cabotin d’entre eux se met à poil le soir aux alentours de vingt heures, il devient aussi vulnérable qu’un enfant. A tout moment, n’importe qui dans la salle peut interrompre sa parole. A tout moment dans la salle, n’importe qui peut l’insulter, le démolir. Mais lui, sa seule fonction est de nous raccrocher à la vie, sa seule fonction est de provoquer chez nous une émotion sincère. Le comédien c’est le sang du théâtre. Que vaut un texte sans sa voix ? Que vaut un plateau sans sa présence ? Alors je m’y suis raccroché. Au plus profond de ma dépression, je voyais au moins un spectacle
par jour, j’assistais aussi à de nombreuses répétitions. Toute une démarche qui me permettait de rester à flot et de ne pas envisager de solution définitive. Et puis, il m’a été proposé ce poste de critique; il y a maintenant plus de vingt-cinq ans.
Vingt-cinq ans ! Je l’ai tout de suite accepté. Etre payé pour faire ce que j’avais toujours aimé faire : l’aubaine. Quant à l’investigation, le chef de service l’utilise telle une carotte me laissant toujours espérer qu’une enquête puisse déboucher sur un livre. Mais il y a peu d’espoir, j’ai appris depuis peu qu’il est un grand ami de mon père. Il me tient en laisse pour lui. Je hais cet homme ; mon père n’est qu’un pauvre type mais lui, un véritable salopard. Un philosophe-escroc a écrit « L’enfer c’est les autres » Et bien, moi, mon enfer à moi; c’est Romain Brottier et c’est tous les jours.
(Un temps)
Vous allez me trouver indiscret mais j’ai appris que pour cet entretien, vous aviez demandé qu’une certaine somme soit versée pour une léproserie située en Tanzanie. Renseignement pris, le compte existe bien mais pas la léproserie Sur ce même compte, j’ai moi-même effectué un virement. Si le montant vous convient, vous pourriez peut-être m’en débarrasser…
Monsieur Rocca
Mais j’aimerais vous avertir d’une chose. Brottier éliminé, votre colère restera intacte. A la nouvelle de la mort de ce gêneur, vous ressentirez dans un premier temps un vif soulagement, une belle flamme empourprera votre coeur. Mais dès le lendemain, votre colère vous rendra visite comme tous les jours. Elle sera intacte et peut-être même un peu plus virulente car désormais elle se nourrira de votre frustration d’avoir connu une joie de si courte durée. J’ai le devoir de vous informer que je ne dispose pas d’un service après-vente. Je ne pourrai donc pas délier les fils de ce contrat.
(Il regarde son mobile à nouveau)
Contrat que j’honorerai au vu des chiffres qui viennent rafraîchir mon écran. De toute façon, tous ceux que je tue méritent amplement leur sort. Je participe d’un équilibre naturel, violent mais naturel. Un équilibre dans lequel la colère n’a pas cours. Mais je le ferai pour vous tout en sachant que cette mort ne vous apportera pas la paix que vous espérez.
Alex
Putain, Monsieur Rocca ! Vous vous offrez ce que m’aviez interdit. Fouiller dans ma tête. Je rêve de la mort de ce type chaque jour. Chaque jour, un scénario différent ; chaque jour, je le vois crever, je le vois me supplier de lui donner une dernière chance puis la douleur devenue trop forte, il me demande de l’achever. Et quand je quitte le rêve, je revois sa tronche d’enfoiré et la gerbe me vient. Mes boyaux deviennent un métal en fusion qui me déchire le bide et je finis aux chiottes. Chaque jour, Monsieur Rocca. Alors si vous m’en débarrassez, si je vis ne serait-ce qu’un seul jour sans cette sensation, si un jour, seul, je ressens ce soulagement, vous verrez en moi le plus heureux et le plus reconnaissant des hommes. Même si ça me coûte un bras.
Ajoutez-y « Un nègre dans ma nuit » (en hommage à Louis Delgrès et à Aimé Césaire) et le « Mystère reste antillais » (à paraître en 2018) et vous obtenez une oeuvre originale, le moyen pour l’auteur de renouer avec des racines que ses parents lui avaient niées.
« La Chambre à Jazz », de Dominique BRANIER
Sur la tombe d’un salaud 2014 Pièce dédiée à Valérie Lemercier et Carole Deffit.
A la fin de l’envoi… ou Don Juan chante Léo Ferré représentation unique 2016.
Pour le roman :
« Sandrine et le journal intime d’une star du porno », un bijou de sensibilité et un hymne à la femme. 2007
« Comptes urbains » 2018
Pour la musique :
S’appuyant sur une solide formation musicale (Cim, Pierre Cullaz pour l’instrument, Guy Laurent pour l’harmonie) Dominique BRANIER expérimente depuis deux CD solos une voie originale :
associer des textes ambitieux à des rythmes de danse.
Son dernier CD « Sacrée Louise » est un vibrant hommage à Louise Michel.
– « L’écriture est ciselée et d’une grande qualité.» Gérard Gorsse.
(chansonrebelle.com).
– « Un artiste engagé…Sans compromis » Flyy Lerandi (France Ô).