Pièce de théâtre « La Chambre à Jazz », de Dominique BRANIER
A la terrasse d’un café, deux hommes tombent véritablement sous le charme d’une jeune femme qui passe.
S’en rendant compte, ils en parlent, font connaissance.
Et pourtant tout les sépare.
L’un s’appelle Ferdinand Laurentin, guitariste antillais jovial et hâbleur.
L’autre s’appelle Sébastien Rivière, un jeune étudiant juif, désargenté et tout en retenue.
Contre toute attente, ils deviendront amis, partageront le même appartement mais aussi la scène avec un numéro de duettistes qui fera courir le Tout-Paris…
Mais les nuages s’amoncèlent aux portes de cette France qui découvre les congés payés. Les dictatures fleurissent en Europe et le conflit devient inéluctable.
L’histoire d’une amitié forte précipitée dans la tourmente et la nuit d’une guerre dont les stigmates affleurent encore aujourd’hui.
Ils devront se créer un espace et faire entendre leurs voix, piégés par une Histoire qui broie les êtres et nie l’humanité même.
Pourquoi recréer la chambre à jazz ?
A l’orée des années 90, quand nous montons La Chambre à Jazz pour la première fois, nous voulons faire un travail de mémoire, utiliser cette pièce comme une machine à remonter le temps et nous resituer, nous, enfants d’une génération indemne de conflit armé, dans cette période troublée qui se situe entre l’avènement du Front populaire et la fin de la deuxième guerre mondiale. Avec toujours cette même question qui nourrissait aussi bien la mise en scène que notre jeu d’acteurs : « Qu’aurions-nous fait à leur place ? ».
Vingt ans plus tard, le texte reprend vie
mais beaucoup de choses ont changé.
Le conflit de l’ex-Yougoslavie, le Rwanda, le 11 septembre 2001 et ses funestes développements, mais aussi la grande émergence du religieux en géopolitique et les printemps arabes sont passés par là.
Le temps semble accélérer son cours. L’information et la propagande optent pour cette immédiateté qui nous fait tout savoir, tout de suite, tout le temps.
Au fameux « Plus jamais ça » qui nourrissait notre première étude, la pièce nous impose un « Pourquoi encore ça ? ».
Il ne s’agit plus de notre mémoire mais de notre capacité à lire le monde.
Mettre en scène La Chambre à Jazz c’est mettre à nu l’humanité de deux hommes qui doivent se défaire de toutes leur certitudes, de tous leurs dogmes pour lire le monde, y prendre part, y prendre toute leur place. C’est aussi rejoindre une ronde humaine, compléter une chaine.
La Chambre à Jazz n’est pas seulement une lumière du passé mais bien un phare pour comprendre aujourd’hui et envisager demain.
Dominique Branier